Joseph ibn Nagrela (French Wikipedia)

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  • « Va, mon messager, va rapporter à tous les Cinhédjites, les pleines lunes et les lions de notre temps, ces paroles d'un homme qui les aime, qui les plaint et qui croirait manquer à ses devoirs religieux s'il ne leur donnait des conseils salutaires: Votre maître a commis une faute dont les malveillants se réjouissent: pouvant choisir son secrétaire parmi les croyants, il l'a pris parmi les infidèles! Grâce à ce secrétaire, les juifs, de méprisés qu'ils étaient, sont devenus des grands seigneurs, et maintenant leur orgueil et leur arrogance ne connaissent plus de limites. Tout à coup et sans qu'ils s'en doutassent, ils ont obtenu tout ce qu'ils pouvaient désirer; ils sont parvenus au comble des honneurs, de sorte que le singe le plus vil parmi ces mécréants compte aujourd'hui parmi ses serviteurs une foule de pieux et dévots musulmans. Et tout cela, ce n'est pas à leurs propres efforts qu'ils le doivent; non, celui qui les a élevés si haut est un homme de notre religion !... Ah ! pourquoi cet homme ne suit-il pas à leur égard l'exemple que lui ont donné les princes bons et dévots d'autrefois ? Pourquoi ne les remet-il pas à leur place, pourquoi ne les rend-il pas les plus vils des mortels ? Alors, marchant par troupes, ils mèneraient au milieu de nous une vie errante, en butte à notre dédain et à notre mépris ; alors ils ne traiteraient pas nos nobles avec hauteur, nos saints avec arrogance; alors ils ne s'assiéraient pas à nos côtés, ces hommes de race impure, et ils ne chevaucheraient pas côte à côte des grands seigneurs de la cour! O Bâdîs! Vous êtes un homme d'une grande sagacité et vos conjectures équivalent à la certitude: comment se fait-il donc que vous ne voyiez pas le mal que font ces diables dont les cornes se montrent partout dans vos domaines? Comment pouvez-vous avoir de l'affection pour ces bâtards qui vous ont rendu odieux au genre humain ? De quel droit espérez-vous d'affermir votre pouvoir, quand ces gens-là détruisent ce que vous bâtissez ? Comment pouvez-vous accorder une si aveugle confiance à un scélérat et en faire votre ami intime ? Avez-vous donc oublié que le Tout-Puissant dit dans l'Écriture qu'il ne faut pas se lier avec des scélérats ? Ne prenez donc pas ces hommes pour vos ministres, mais abandonnez-les aux malédictions, car toute la terre crie contre eux; bientôt elle tremblera et alors nous périrons tous!... Portez vos regards sur d'autres pays et vous verrez que partout on traite les juifs comme des chiens et qu'on les tient à l'écart. Pourquoi vous seul en agiriez-vous autrement, vous qui êtes un prince chéri de vos peuples, vous qui êtes issu d'une illustre lignée de rois, vous qui primez vos contemporains, de même que vos ancêtres primaient les leurs? Arrivé à Grenade, j'ai vu que les juifs y régnaient. Ils avaient divisé entre eux la capitale et les provinces; partout commandait un de ces maudits. Ils percevaient les contributions, ils faisaient bonne chère, ils étaient magnifiquement vêtus, au lieu que vos hardes, ô musulmans, étaient vieilles et usées. Tous les secrets d'Etat leur étaient connus ; quelle imprudence que de les confier à des traîtres! Les croyants faisaient un mauvais repas à un dirhem par tête; mais eux, ils dînaient somptueusement dans le palais. Ils vous ont supplantés dans la faveur de votre maître, ô musulmans, et vous ne les en empêchez pas, vous les laissez faire ? Leurs prières résonnent tout comme les vôtres; ne l'entendez-vous pas, ne le voyez-vous pas ? Ils tuent des bœufs et des moutons sur nos marchés, et vous mangez sans scrupule la chair des animaux tués par eux! Le chef de ces singes a enrichi son hôtel d'incrustations de marbre ; il y a fait construire des fontaines d'où coule l'eau la plus pure, et pendant qu'il nous fait attendre à sa porte, il se moque de nous et de notre religion. Dieu, quel malheur ! Si je disais qu'il est aussi riche que vous, ô mon roi, je dirais la vérité. Ah! hâtez-vous de l'égorger et de l'offrir en holocauste; sacrifiez-le, c'est un bélier gras ! N'épargnez pas davantage ses parents et ses alliés; eux aussi ont amassé des trésors immenses. Prenez leur argent; vous y avez plus de droit qu'eux. Ne croyez pas que ce serait une perfidie que de les tuer ; non, la vraie perfidie, ce serait de les laisser régner, ils ont rompu le pacte qu'ils avaient conclu avec nous; qui donc oserait vous blâmer si vous punissez des parjures? Comment pourrions-nous aspirer à nous distinguer, quand nous vivons dans l'obscurité et que les juifs nous éblouissent par l'éclat des grandeurs? Comparés avec eux, nous sommes méprisés, et l'on dirait vraiment que nous sommes des scélérats et que ces bommes-là sont d'honnêtes gens ! Ne souffrez plus qu'ils nous traitent comme ils l'ont fait jusqu'à présent, car vous nous répondrez de leur conduite. Rappelez-vous aussi qu'un jour vous devrez rendre compte à l'Eternel de la manière dont vous aurez traité le peuple qu'il a élu et qui jouira de la béatitude éternelle ! » Ce poème fut la cause de la ruine des juifs. Le juif maudit dont il a été question, était tellement rempli de présomption et d'orgueil, qu'il eut l'audace de tourner en ridicule certains versets du Coran et de déclarer en public que les dogmes musulmans étaient absurdes. Dieu l'en a puni d'une manière terrible! Je possède une copie que j'ai faite moi-même du traité que le vizir Abou-Mohammed ibn-Hazm a composé pour réfuter les objections faites par ce juif contre plusieurs versets du Coran. Abou-Ishâc mourut vers la fin de l'année 459. Il fut enterré à Elvira. », traduit et publiée par Philippe Remacle